Courriers d'Athènes

Ce blog présente une sélection d'articles de la presse et de la blogosphère hellénophones traduits en français.

Le visage hideux de la droite grecque

with one comment

85 députés du parti conservateur Nea Demokratia ont déposé un texte qui entend privilégier la « loi du sang » pour entrer dans la police ou dans l’armée du pays. Avec cet amendement, il ne suffira plus d’être citoyen grec pour accéder à ces fonctions, il faudra aussi être de « souche grecque ».  Pour le quotidien Efimerida ton Syndakton, cette initiative raciste révèle le vrai visage de Nea Dimokratia, qui rallie l’extrême droite et affiche son mépris des droits de l’homme et des citoyens.

La quasi totalité du groupe parlementaire de Nea Dimokratia a montré son véritable fondement idéologique, celui d’une droite dure et non repentante, malgré les réactions acerbes de ses partenaires gouvernementaux, en déposant le projet d’amendement relatif aux écoles de la police et de l’armée. Une initiative bien sûr saluée frénétiquement par [le parti néonazi] Chryssi Avgi.

L’ascendance devient désormais un obstacle à l’entrée de citoyens grecs d’origine étrangère dans les forces armées. Un énorme retour en arrière dans le contexte européen, une inspiration malsaine qui exalte des nationalismes moyenâgeux et des ultrapatriotismes rhétoriques et dangereux. La loi du sang est de retour (!), et son caractère nazi donne la chair de poule ; la citoyenneté fout le camp.

Le pays emprunte des routes dangereuses, sur lesquelles paradent en grandes pompes les 85 députés de Nea Dimokratia et les ultranationalistes de Chryssi Avgi. Voilà un gouvernement qui essaye, dit-il, de nous sortir de la crise, tout en nous menant vers une autre crise dangereuse, celle de l’identité. Une initiative totalement anticonstitutionnelle, selon le PASOK, un obscurantisme moyenâgeux pour le DIMAR [Gauche démocratique].

Au même moment, le groupe parlementaire de Nea Demokratia rejetait les trois articles controversés du projet de la loi Roupakiotis, qui devaient donner le droit à la Cour de cassation (Aréopage) et au Conseil d’Etat de réexaminer les affaires de droit civil, suite à une décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Il était rejoint par les députés des Grecs Indépendants [droite dure] et de Chryssi Avgi, marquant ainsi la collaboration parfaite de toutes les nuances droitières formant le gris de la droite traditionnelle.

Ce virage à (l’extrême) droite se prolonge même. Dans une lettre adressée au Premier ministre, la Commission nationale des droits de l’homme (EEDA) condamne l’attitude inacceptable, voire détestable, du secrétaire général du gouvernement, Panagiotis Baltakos, vis-à-vis des membres de la Commission, et – surtout – vis-à-vis des droits de l’homme.

Dans l’unique rencontre que les membres de la Commission ont pu obtenir – après maintes difficultés – auprès du secrétaire général du gouvernement, celui-ci leur a déclaré cyniquement qu’il n’était intéressé ni par le travail de la Commission, ni par les droits de l’homme, ni par les obligations internationales du pays dans ce domaine ! A partir du moment où la Commission est soutenue dans sa composition et dans sa structure par le Secrétariat général du gouvernement, cette dénonciation se porte également contre le Premier ministre, dans la mesure où celui-ci, depuis des années, a M. Baltakos pour conseiller juridique. La lettre a été envoyée au Premier ministre il y a deux mois, et n’y ayant pas répondu, il se compromet lui-même, montrant qu’il partage l’indifférence de son conseiller vis-à-vis des droits de l’homme.

D’un pas régulier, le gouvernement montre que son intérêt pour la politique centriste  était un pur artifice pré-électoral. Dans le triumvirat qu’il forme désormais avec les Grecs Indépendants et Chryssi Avgi, il présente son vrai visage : figé, impassible, dur et antidémocratique.  Voilà la droite.

1 Antonis Roupakiotis : ministre de la Justice, de la Transparence, et des Droits de l’homme

Editorial du journal Efimerida ton Syndakton, du 27  février 2013, traduit du grec par AR

Lien vers l’article original : To παγερό προσωπείο της Δεξιάς

Written by AR

28 février 2013 at 01:06

Les gouvernements grecs au service des sociétés minières, par Mariniki Alevizopoulou

leave a comment »

La controverse relative aux activités d’orpaillage en Chalcidique, une province du nord de la Grèce dotée d’une beauté naturelle rare, est dominée par le spectre de destructions environnementales vastes et durables. Mais des manœuvres politiques douteuses entre représentants du gouvernement grec et sociétés privées, des accords scandaleux contre les intérêts de l’Etat grec, et une violente répression policière contre les riverains qui protestent contre les mines, pèsent aussi sur cette question profondément disputée. Aujourd’hui, nous apprenons qu’Eldorado Gold, le principal investisseur, à un plan rusé pour consolider son investissement : recourir à l’article 107 de la Constitution grecque sur la protection du capital étranger. Le gouvernement grec, de son côté, est prêt à soutenir l’entreprise. Mais la question reste entière : l’investissement sera-t-il globalement profitable à la Grèce ? Les éléments disponibles suggèrent que non.

Un employé de Hellas Gold sur le site en Chalcidique (photo: Stefania Mizara/UNFOLLOW)

Il y a quelques jours, après une attaque perpétrée par des individus cagoulés sur le site de la mine d’or [de Skouriès] et la destruction de machines et d’équipements, le Premier ministre grec Antonis Samaras déclarait au Wall Street Journal : « Ce type d’actes ne peut être toléré. La Grèce est un pays européen moderne, et nous protégerons à tout prix les investissements étrangers dans le pays. »

Il apparaît donc que la multinationale canadienne Eldorado Gold, l’une des plus grandes entreprises minières de la planète, est en passe de gagner la bataille, ayant trouvé dans le gouvernement grec un allié dévoué. Ce n’est pas vraiment nouveau. Cela fait des décennies que les gouvernements grecs soutiennent les intérêts des sociétés minières. L’entreprise a assuré qu’elle ferait « tout son possible » pour protéger la nature unique de Chalcidique. Dans tous les cas, selon les partisans de l’investissement au sein du gouvernement, au Conseil d’Etat (le tribunal administratif suprême en Grèce), et parmi la plupart des médias grecs, il convient de ne pas faire des questions environnementales un problème trop important : même si l’environnement souffre jusqu’à un certain point, disent-ils, c’est un prix acceptable à payer pour un tel investissement, censé apporter un développement plus que nécessaire à la Grèce minée par la crise.

Mais est-ce le cas ? Les preuves disponibles et l’histoire des mines d’or de Chalcidique convergent pour contredire le point de vue des partisans de l’investissement. Elles tendent plutôt à montrer que l’investissement d’Eldorado Gold ne sera pas du tout bénéfique à la Grèce – du moins dans les conditions que le gouvernement grec semble si enclin à proposer. Il sera certainement profitable à l’entreprise, laquelle est prête à exploiter une réserve estimée à près de 13 milliards d’euros.

PROTESTATIONS, PUBLICITE ET LA ‘DOCTRICE DEKLERIS’

Le combat de la population contre l’orpaillage en Chalcidique dure depuis des années. Les gouvernements grecs, par le passé comme aujourd’hui, ont répondu en recourant à une violence policière accrue. Les grands mouvements de protestation publics ont parfois été émaillés d’actes de sabotage sur les sites d’exploitation minière, actes auxquels les gouvernements ont répondu par la surenchère, multipliant les interventions de la police antiémeutes, recourant aux gaz lacrymogènes, aux balles en caoutchouc, aux arrestations injustifiées, et imposant même des prélèvements ADN aux habitants de la région.

Pendant ce temps, les gouvernements grecs ont continué à accorder des zones d’exploitation de plus en plus vastes. Les célèbres Mines de Cassandre, revendues en 1995 à la multinationale canadienne TVX GOLD, incluent en réalité trois mines : la mine de Madem Lakkos, la mine de Mavres Petres et la mine Olympiada. En 2000, la société a débuté ses activités d’orpaillage sous le village de Stratoniki. Les glissements de terrain devenant quotidiens en raison des détonations, le Conseil d’Etat a décidé de suspendre les activités de l’entreprise en 2002. La société a alors décidé… d’engager une procédure de mise en faillite.

En 2003, au terme d’une procédure tellement scandaleuse qu’elle n’a cessé de gagner en notoriété depuis, les Mines de Cassandre ont été transférées à l’entreprise fraîchement créée, Hellas Gold.

En 2006, Hellas Gold a lancé un plan d’études pour des activités minières à ciel ouvert dans la forêt de Skouriès Megalis Panagias. Le ministère de l’Environnement a donné son accord initial au projet en 2009, mais les habitants de la zone ont construit des barrages et ont empêché les tentatives de forage.

En 2011, le ministre de l’Agriculture Giorgos Papakonstantinou a approuvé l’étude environnementale de l’entreprise, et un an plus tard, le Conseil d’Etat a rejeté la pétition de la population contre cette étude. Il s’est prononcé en faveur de la poursuite de l’exploitation des mines d’or de Chalcidique, arguant que « l’investissement est particulièrement avantageux pour l’économie nationale ».

Que s’est-il passé entre le premier jugement du Conseil d’Etat et le second ? Certaines sources sur place évoquent le changement des responsables, après le départ en retraite de Michalis Dekleris, l’ancien vice-président du Conseil. Ils évoquent la ‘doctrine Dekleris’, qui avait influé sur le jugement de plusieurs de ses collègues. « On ne pouvait pas couper un seul arbre », expliquent-il. Et puis ? Et puis il y a eu la crise, la visite de la troïka au Conseil d’Etat, et son appel au ‘développement’.

Hellas Gold a récemment lancé une grande campagne de publicité dans les médias grecs. Cette vaste offensive de communication, relativement soudaine si l’on rappelle que Hellas Gold n’avait même pas de site Internet depuis sa fondation en 2003 (le site affichait le message ‘en construction’), met l’accent sur l’importance du développement que rapportera l’investissement. L’objectif de la compagnie est double : atténuer les accusations contre l’entreprise quant à l’environnement, et faire le lien entre l’investissement et la crise. C’est-à-dire forger le concept qu’en dépit des possibles inconvénients, les bénéfices pour le développement de la Grèce seront plus importants compte tenu des tourments du pays.

En ce qui concerne l’impact environnemental, la prudence serait plutôt de mise. Les expériences, au niveau international comme en Grèce, contestent ce que prétend l’entreprise. Il suffit de faire un tour sur le site d’exploitation de lignite à ciel ouvert de la Compagnie publique d’électricité (DEI), à Ptolemaida, pour trouver peu convaincantes les déclarations relatives à la régénération des terres et des forêts.

UN TRANSFERT SCANDALEUX, UNE FAILLITE ANNULEE ET LES HOMMES DE BOBOLAS

Qu’en est-il alors des bénéfices pour la Grèce ? L’argument qui a constitué la base de la décision du Conseil d’Etat du 24 juillet 2012, lorsque celui-ci a rejeté la requête des habitants, qui demandaient la suspension des activités minières dans l’attente du jugement final de la Cour suprême, c’est celui de la nécessité du développement en période de crise. Comme le disent les partisans de l’entreprise, pour chaque projet de développement, il faut évaluer non seulement les nuisances potentielles, mais aussi les perspectives de profit. Il faut soupeser coûts et bénéfices. Alors résumons. Qui l’emporte ?

D’une part, les actionnaires. Comme on l’a appris, la valeur des actions de l’entreprise a augmenté de 9,6 pour cent depuis que le ministre de l’Environnement de l’époque, Giorgos Papakonstantinou, a approuvé l’étude environnementale le 26 juillet 2011.

Mais revenons à 2002 pour voir les manœuvres – pour le moins controversées – auxquelles ont recouru les actuels protagonistes de l’histoire pour arriver sur le devant de la scène. A l’époque, la séance plénière du Conseil d’Etat a décidé d’annuler les décisions des ministères compétents (le ministère des Travaux publics, ainsi que les ministères de la Culture, de l’Agriculture, du Développement de l’Economie), lesquels avaient donné le feu vert à la multinationale TVX HELLAS (une filiale de la maison mère et garante financière canadienne TVX GOLD, rachetée par la suite par la Kinross Gold Corporation) pour l’exploitation des Mines de Cassandre. La Cour a justifié sa décision en attirant l’attention sur la violation de la législation relative à la protection de l’environnement, l’étiolement des ressources d’eau, et la nécessité de préserver la santé des résidents des explosions.

Quelques mois plus tard, en mai 2003, TVX HELLAS a engagé une procédure d’insolvabilité, invoquant des dettes de 216,56 millions d’euros vis-à-vis de sa maison mère, de la société sociale, de l’Etat, de ses employés et de ses fournisseurs. Beaucoup ont estimé que la faillite était un moyen certain d’éviter les responsabilités. Les travailleurs impayés se sont barricadés dans les galeries de la mine et certains ont même entamé une grève de la faim, alors que débutaient les discussions relatives à la demande de mise en faillite de la société.

Il est bien connu aujourd’hui que Christos Pachtas a été contraint d’abandonner le cœur de l’arène politique en raison de forêts illégalement répertoriés à Porto Carras, en Chalcidique, en 2004. Cela ne l’a pourtant pas empêché en 2010 d’être élu maire de la ville d’Aristotelis, en Chalcidique, et d’être un fervent supporter de l’orpaillage aujourd’hui.

Mais à l’époque, en 2003, Pachtas était encore secrétaire d’Etat à l’économie nationale au sein du gouvernement de Kostas Simitis. Le tribunal de première instance d’Athènes a accepté la demande de mise en faillite de TVX HELLAS (1286/1203) début novembre 2003. Cependant, les décisions du 12 décembre ont une fois de plus changé la donne :

  • L’Etat a renoncé à ses demandes contre TVX pour le versement de taxes et de contributions sociales d’un montant de 2,2 millions d’euros.
  • TVX GOLD a renoncé à sa demande de versement de 218 millions de dollars, vis-à-vis de TVX HELLAS, pour des prêts impayés.
  • Le tribunal de première instance d’Athènes a annulé la décision de mise en faillite pour TVX HELLAS.
  • Le secrétaire d’Etat à l’Economie nationale, Christos Pachtas, et le secrétaire d’Etat au Développement, Alexandros Kalafatis, en tant que représentants du gouvernement grec, ont signé deux contrats successifs : un règlement judiciaire des demandes de TVX HELLAS au gouvernement grec pour la perte d’investissements et la perte de profits, ainsi qu’un règlement judiciaire de la demande de l’Etat à TVX HELLAS pour la violation des régulations environnementales, ainsi que pour les dommages environnementaux occasionnés. Après l’accord, l’Etat a racheté les Mines de Cassandre à TVX Hellas, qui venait de déclarer la faillite une heure auparavant, pour 11 millions d’euros.
  • Avec le contrat consécutif passé auprès du même notaire, le gouvernement grec a « transféré » à HELLAS GOLD SA la totalité des actifs des Mines de Cassandre « pour 11 millions d’euros, payables directement à TVX HELLAS ».
  • Tout ce qui précède a été ratifié par le Parlement grec avec la loi 3220/2004.

Il est frappant de constater que l’Etat grec a décidé de transférer les mines d’or à une entreprise créée seulement trois jours auparavant, avec un capital social de 60.000 euros. La situation devient peut-être un peu plus claire si l’on précise que l’entreprise a été fondée par Dimitris Koutras, président d’AKTOR et membre du conseil d’administration d’ELLAKTOR, et George Sossidis, membre du conseil d’administration d’ELLAKTOR. AKTOR et ELLAKTOR sont toutes deux des entreprises de construction contrôlées par les magnats du bâtiment et des médias George and Fotis Bobolas. Père et fils, ils contrôlent une grande partie de l’industrie grecque du bâtiment, ainsi que plusieurs journaux et magazines, et détiennent des parts dans l’une des chaînes de télévision les plus influentes du pays.

C’est l’entreprise qui opère une fois de plus en Chalcidique et à laquelle les terres de Skouriès ont été cédées. Mais cela s’est produit après de nombreux changements. Depuis 2003, diverses entreprises ont intégré et quitté Hellas Gold via l’achat d’actions, comme European Goldfields (dont l’actionnaire principal est le magnat du pétrole roumain Frank Timis, que l’on accuse d’être impliqué dans des scandales liés au crime organisé et au trafic de drogues). Mais laissons de côté ces histoires individuelles et concentrons-nous sur ceux qui détiennent les droits d’exploitation de 317.000 hectares de terres dans le nord de la Grèce.

Probablement irrités par le silence des grands médias sur la question, beaucoup parlent des ‘mines Bobolas’ quand ils évoquent les tentatives d’orpaillage en Chalcidique. Le célèbre homme d’affaires, dont les hommes ont acquis les droits d’exploitation des terres en 2003, dispose aujourd’hui de 5 % seulement des actions dans le projet d’investissement qui opérera dans la région. Les 95 % restants appartiennent maintenant au Canadien Eldorado Gold.

0 % DE REDEVANCES, 10 % D’IMPOTS, 10 ANS DE PROTECTION

Après une longue recherche, nous sommes parvenus à trouver un individu disposant d’une très bonne connaissance des négociations, et qui a suivi les accords de près. Après lui avoir promis de protéger son anonymat, et il a commencé à démêler un écheveau politique très intéressant.

« Dans cette situation particulière », déclare-t-il, « le gouvernement a seulement fait office d’intermédiaire entre deux investisseurs privés. Avec deux accords notariés en une journée, il a vendu des mines qu’il n’a jamais vraiment possédées, pour 11 millions d’euros. »

Nous donnant une première idée des bénéfices réels de ce soi-disant ‘développement nécessaire’, il rajoute que « d‘après le code minier, qui est un héritage de la junte militaire, le gouvernement grec ne perçoit pas de redevances sur les exportations minières. En 2011, la Roumanie a doublé sa perception de redevances, la faisant passer de 4 % à 8 %. La Grèce touche 0 %. »

En 2011, la Commission européenne a infligé à la Grèce une amende de 15,34 millions d’euros pour le transfert des Mines de Cassandre à Hellas Gold, reconnaissant que le gouvernement grec avait nui aux intérêts du pays dans cette transaction. Giorgos Papakonstantinou, alors ministre de l’Environnement, a fait appel de la décision.

« Il a été plus que zélé ! », explique notre interlocuteur en riant. « Eldorado Gold n’aurait pas de problème à payer ce montant. Elle a fait un investissement de 400 millions de dollars et les profits escomptés pourraient atteindre 13 milliards d’euros. L’amende de 15 millions d’euros serait une somme ridicule. En général, l’entreprise n’aime pas être impliquée dans de telles affaires. C’est la raison pour laquelle elle s’est au départ dissimulée derrière M. Bobolas. Celui-ci a contribué à faire jouer ses contacts politiques et entreprendra tous les travaux d’infrastructure. Le reste sera géré par Eldorado.»

Comme nous le révèle notre source, le principal problème d’Eldorado est le Syriza, la Coalition de la gauche radicale, le premier parti d’opposition depuis les élections de juin dernier. La menace liée à ce parti est traitée à deux niveaux.

« Premièrement», explique notre source, « Eldorado dispose de bureaux en Grèce depuis cet été. Cela lui permet de contredire l’argument de SYRIZA, à savoir que l’entreprise ne paie pas d’impôts dans le pays et que le public grec ne retira aucun profit des activités d’orpaillage. Jusque-là, pourtant, l’entreprise n’a toujours pas présenté de déclaration fiscale.»

Cependant, avant que les partisans du développement ne commencent à sabrer le champagne et célébrer l’investissement, examinons les conditions de leur imposition.

« La progression de SYRIZA», continue-t-il, « et la possibilité que son affaire puisse être nationalisée, effraient Eldorado. Les dernières élections ont annulé cette possibilité, mais pour préserver son avenir, l’entreprise a l’intention de recourir à l’article 107 de la Constitution grecque, relative à la protection du capital étranger. Cette loi de 1953 – une année charnière pour le développement capitaliste de la Grèce – a été passée dans le but de protéger les entreprises Esso Pappas et PECHINEY. Plus tard, on y a recouru pour le casino Hyatt, Heracles, TVX GOLD, et, plus récemment, Hochtief, avec l’aéroport Eleftherios Venizelos d’Athènes. Les termes de cette loi assurent deux avantages fondamentaux : un taux d’imposition fixe de 10 pour cent, et la garantie que rien ne puisse être changé au statut opérationnel de l’entreprise en Grèce pour les 10 années suivantes. Un décret présidentiel rend alors l’investissement irréductible.»

La Direction du capital étranger est placée sous l’autorité du ministre du Développement Kostis Hatzidakis. Après la décision du ministère – laquelle, d’après notre source, a déjà été tacitement garantie – et la publication du décret présidentiel, le prochain Parlement ne pourra rien changer légalement. Il faudra changer la Constitution.

DES « COMMUNISTES » A LA COUR SUPREME

Serait-il alors possible, demandons-nous, de faire appel de l’accord donné par Giorgos Papakonstantinou, s’il devait par exemple s’avérer que celui-ci est impliqué dans le scandale de la Liste Lagarde ?

« Papakonstantinou est couvert», répond notre source. « Il a vraisemblablement agi avec l’approbation du conseil départemental.»

La députée Syriza Katerina Inglezi nous explique comment la collectivité territoriale a approuvé les activités de Hellenic Gold :

« De quel conseil départemental parlez-vous ? Les conseils départementaux ont été supprimés fin décembre 2010, quand on est passé au système des « périphéries » (régions)1. Le conseil départemental qui a été consulté allait être supprimé quelques jours plus tard. Et il a unanimement voté en faveur du projet. Quand nous avons demandé aux conseillers départementaux comment ils ont pu avoir le temps de lire les 4.000 pages d’études environnementales, ils ont indiqué qu’ils ne les avaient pas lues. Ce qui ne les a pas empêchés, néanmoins, de valider leur légalité.»

Aussi révoltant que tout cela puisse paraître, le superviseur des accords de Hellas Gold s’exprime d’un ton impassible. Il semble parler de décisions déjà prises, dans lesquelles personne ne peut intervenir, comme si l’affaire était déjà close.

« Koutras, qui a été le premier interlocuteur en Chalcidique» dit-il, « ainsi que George Markopoulos, qui est le directeur général de Thrace Gold Mining (où l’on retrouve également l’empreinte d’Eldorado), travaille sur cette question depuis 1994. Depuis presque 20 ans, ils ont tout fait pour faire fonctionner les mines.»

Quid du recours présenté par les habitants de la région devant la Cour suprême ? « D’ici là», répond-il, « l’infrastructure aura été achevée et les activités minières auront commencé. Il y a des précédents légaux à de telles situations. Même si le Conseil d’Etat était entièrement composé de communistes d’ici là, la seule chose qu’ils pourront faire sera de contraindre l’entreprise à planter deux ou trois arbres de plus lors des travaux de réhabilitation.»

Néanmoins, pour ne pas décourager complètement les partisans du développement, signalons que le gouvernement grec pourra au moins gagner un peu d’argent en prélevant des impôts sur les travailleurs.

1 – Réforme Kallikratis de 2010, qui a entériné le redécoupage administratif du territoire grec, avec la disparition des « nomes » (départements) historiques, et la création de grandes entités territoriales, les périphéries (régions). Cette réforme a généré une réduction considérable du nombre de collectivités territoriales et de leurs employés, notamment au niveau local.

Enquête parue sur le blog BORDERLINE REPORTS, le 23 février 2013, traduit du grec par AR

Ce texte est l’adaptation d’une enquête réalisée par Mariniki Alevizopoulou, et publié dans la revue mensuelle UNFOLLOW  (N° 14, février 2013). 

Lien vers article original : GOLD MINING IN CHALKIDIKI – PART 1: GREEK GOVERNMENTS IN THE SERVICE OF MINING COMPANIES

 

La police municipale d’Athènes noyautée par Chryssi Avgi

with one comment

Babakar Ndiaye, vendeur ambulant sénégalais, est mort le vendredi 1er février près de la station de métro Thisseio, à Athènes, après avoir chuté de plusieurs mètres sur la voie ferrée. D’après les témoignages des personnes sur place, il était poursuivi par des agents de la police municipale. A ce jour, la municipalité dément jusqu’à la présence de ses agents sur les lieux du drame. Aujourd’hui , le syndicat des collectivités locales de l’Attique évoque l’infiltration de la police municipale par des néonazis. Le journal Efimerida ton Syndakton a essayé d’en apprendre davantage.

Des syndicalistes des collectivités locales et des conseillers municipaux d’Athènes dénoncent l’existence d’une cellule organisée de Chryssi Avgi au sein de la Police municipale, avec le nom de code « groupe K ». Une semaine après la mort du vendeur de rue Babakar Ndiaye suite à une course-poursuite dans le quartier de Thisseio, le syndicat des collectivités locales de l’Attique a délivré une annonce féroce, dans laquelle il évoque pour la première fois le nom de la cellule, et mentionne également que lors de l’assemblée de la fédération des policiers municipaux, le 5 février dernier, 15 membres du « groupe K » ont agressé un de leurs collègues qui s’était opposé à eux : « C’est un groupe qui agit avec le soutien de la municipalité d’Athènes, qui jouit de privilèges particuliers, et se spécialise dans des opérations communes avec la Police grecque (El.As.) et contre le commerce clandestin. »

Timide réaction

Pourtant, jusqu’à hier, l’unique réaction à cette dénonciation a été celle de la fédération des policiers municipaux, qui qualifie « d’assertions risibles et fausses » les accusations relatives à ce qui se serait produit lors de son assemblée générale, et qui s’abstient même de commenter l’existence du fameux ‘groupe K’. Pour le reste, personne – ni la municipalité, ni la magistrature – n’a décidé d’enquêter sur cette grave accusation. A partir de là, nous avons commencé hier notre investigation.

Nous nous sommes d’abord adressés au président du syndicat des collectivités locales, Charalambos Vortelinos : « L’incident s’est déroulé exactement comme nous l’avons décrit : notre collègue s’est fait attaquer par des membres organisés de Chryssi Avgi qui ont formé la cellule ‘groupe K’. Aujourd’hui, comme vous pouvez l’imaginer, ce collègue a peur. Chryssi Avgi dispose au sein de la Police municipale d’un groupe puissant, qui peut s’élever à 150 personnes. Ils collaborent avec la Police grecque dans le cadre de patrouilles à pied ou à moto. »

« Nous avons aussi été informés de l’existence d’un tel groupe », déclare Eléni Portaliou, représentante de ‘Ville ouverte’ [un mouvement populaire actif à Athènes]. « D’après les informations dont nous disposons, la Police grecque s’est installée dans un bâtiment de la Police municipale et collabore avec elle. Nous avons également des éléments attestant de comportements violents et de maltraitance envers les vendeurs de rue. »

Un groupe accepté

Les informations fournies hier au journal Efimerida ton Syndakton (Efsyn) par un membre du parti de gauche ANTARSYA sont précises et troublantes : le conseiller municipal Petros Konstantinou nous a envoyé par écrit le profil complet du groupe qui, selon son enquête, fonctionne dans des conditions para-étatiques : « Le groupe a agi pendant longtemps sans que personne n’en ait la responsabilité, comme le veut le fonctionnement institutionnel de la hiérarchie de la Police municipale. Il est clair qu’il a été accepté par l’ancien adjoint compétent et le nouveau.

Dans le ‘groupe K’ se sont associés très majoritairement des volontaires néonazis de Chryssi Avgi et autres fascistes. Il s’agit d’un groupe de Policiers municipaux de la première Division municipale. Il a été fondé juste après le lancement de la campagne du parti d’extrême droite LAOS et de commerçants sous le slogan « STOP au commerce clandestin », campagne qui s’est transformée en pogrom raciste dans [l’avenue commerçante] Ermou, quand des individus armés de bâtons ont attaqué les immigrés. Avec la décision du maire Giorgos Kaminis de procéder à des opérations communes avec la Police grecque (El.As.) « contre le commerce clandestin », s’est formé en interne le ‘groupe K’, avec la participation d’environ 30 individus, qui n’avaient même pas de supérieur hiérarchique au départ. Récemment, ils se sont vu doter d’un superviseur. »

D’après l’enquête de Petros Konstantinou, le ‘groupe K’ s’est formé à partir de volontaires, la majorité des Policiers municipaux ayant refusé de participer aux ‘rafles’.  Il précise aussi que le groupe a été impliqué à plusieurs reprises dans des incidents avec des vendeurs de rue à Thisseio et devant la faculté d’économie ASOEE, et il n’est pas exclu qu’il soit impliqué dans l’affaire Ndiaye : « Si l’on considère la zone d’action de la première division de la Police municipale, qui correspond au centre-ville, et ses connections avec le ‘groupe K’, il est difficile d’exclure cette éventualité. Le passager de la moto de l’agent municipal qui, d’après les témoignages, a poursuivi Babakar Ndiaye, a forcé un autre immigré à acheminer ses propres marchandises pour que celles-ci lui soient confisquées, en le tenant par le col et en le tirant vers le fourgon de la Police municipale.  Un tel recours aux motos dans l’opération de Thisseio ressemble plus aux raids de l’Unité de police motorisée DIAS qu’à des agents chargés de confisquer des marchandises. Qui les a formés pour mener de tels raids ?

Démentis

« Si le service de répression du commerce clandestin est effectivement basé dans la première circonscription, les agents ne sont jamais les mêmes. Il n’existe pas de ‘groupe K’ dans l’organigramme. Nous sommes systématiquement incriminés par Mme Portaliou et par M. Konstantinou. Ils nous ont même traités de meurtriers lors du Conseil municipal la semaine dernière », nous a déclaré Apostolos Kossivas, président de la fédération des agents municipaux. « Je conteste catégoriquement l’existence d’une telle cellule ; il y a 1.000 employés, donc il y a forcément des avis divergents. Quant au syndicat, il fait de telles déclarations car il y aura bientôt des élections au sein de notre fédération ». M. Kossivas souligne qu’il n’a jamais eu vent de l’existence d’un groupe nazi, ni de membres de Chryssi Avgi.

« Je ne peux exclure l’existence éventuelle d’un groupe fasciste, dans la mesure où il y a un parti fasciste au Parlement. Personnellement, je n’ai jamais rien entendu de tel et j’appelle quiconque aurait des informations à ce sujet à nous les remettre aujourd’hui même », a signalé à Efsyn l’adjoint en charge, Giorgos Anagnostopoulos. « Il existe une répartition des devoirs de la Police municipale, et parmi ceux-ci figure la lutte contre le commerce illégal. Elle ne peut interroger ou interpeler des citoyens. Concernant la dénonciation d’intimidations lors de l’assemblée des agents municipaux, il serait inapproprié que l’adjoint au maire se mêle d’affaires internes aux employés. La municipalité est durablement tournée vers la défense des droits de l’homme, et il y a quelques jours, elle a même salué officiellement la manifestation ‘Athènes Ville antiraciste’. Alors je le répète, fournissez-nous des données, vous nous aiderez à juguler ce phénomène. »

La réponse de Kaminis

Nous avons cherché à communiquer directement avec le maire d’Athènes, Giorgos Kaminis. Celui-ci a refusé de faire le moindre commentaire avant la publication de ces dénonciations. Par le biais de son service de presse, il a cependant communiqué « qu’il aspire à la concorde des composantes de l’arc constitutionnel. Les agents municipaux ont suivi des séminaires relatifs à l’immigration, et il a également été demandé à l’adjoint compétent de se montrer strict en matière de déontologie. »

Article paru dans le journal Efimerida ton Syndakton, le 14 février 2013, traduit du grec par AR

Lien vers l’article original : Θύλακας της Χρυσής Αυγής στη Δημοτική Αστυνομία, par Dina Daskalopoulou

Written by AR

17 février 2013 at 21:29

Mark Mazower sur la montée des extrêmes en Grèce

leave a comment »

L’historien britannique Mark Mazower, professeur à l’université de Columbia et auteur d’ouvrages de référence sur l’histoire de l’Europe et des Balkans, donnait une conférence à Athènes, lundi 11 février, sur « la montée des extrêmes en Grèce ». Voici la traduction de l’interview qu’il a accordée au journal conservateur Kathimerini, quelques jours avant son intervention.

Le débat sur « la montée des extrêmes » en Grèce porte-t-il sur la montée de l’extrême droite, ou bien de l’extrême droite et de l’extrême gauche en même temps ? Décrire l’extrême gauche comme un « extrémisme » dérangerait beaucoup de Grecs.

La caractéristique nouvelle et fortement troublante de la situation grecque est évidemment la montée de l’extrême droite. Son émergence nous oblige à nous pencher sur le problème de la violence, car la violence est sa carte de visite, son mode opératoire, et a été l’instrument de son avènement – je pense notamment à l’incident intervenu avec Kasiadiaris sur la chaîne Antenna l’année dernière [quand le porte-parole de Chryssi Avgi avait attaqué deux femmes politiques en direct à la télévision]. Le fait qu’une violence aussi manifeste et publique accroisse la popularité d’un mouvement est profondément inquiétant pour tous ceux qui pensaient que les souvenirs combinés de la guerre civile et de la junte militaire avaient mené les Grecs à privilégier la stabilité et la démocratie, et à chérir une certaine forme de civilité dans leur vie publique.

Je ne pense pas que l’émergence de Chryssi Avgi soit liée de quelconque façon à l’extrême gauche. Il faut en chercher les causes ailleurs, notamment dans l’extrême délégitimation de toute la classe politique avec la crise, et le discrédit jeté consécutivement sur les acquis de la période de transition post-dictature. On pourrait longuement disserter pour savoir si cette classe politique aurait pu faire plus, en dépit de la crise, pour restaurer sa réputation auprès de la population : je pense personnellement qu’elle aurait pu faire plus, et qu’elle peut encore faire plus. Mais c’est justement parce que l’on connaît une phase nouvelle et plus violente de la vie publique, que j’estime qu’il est difficile de traiter le lancer de molotovs sur la police, et encore moins les attaques armées contre des domiciles, des bureaux ou des boutiques, avec le même type de tolérance, quasi bénigne, qui était habituelle par le passé. La même chose s’applique à la rhétorique politique. La gauche a quelques sérieuses questions à se poser. Quand on recourt à une rhétorique violente – appelant à renverser l’Etat, à l’insurrection, à cibler les collaborateurs – et tirée d’une autre époque, d’une période de révolutions et de guerres véritables, le désire-t-on vraiment ? Veut-on vraiment la guerre ? Et si oui, êtes vous sûrs de pouvoir l’emporter ? Dans le cas contraire, et voilà le cœur du problème, comment parler et penser de manière plus productive des possibilités d’une transformation réelle et radicale du capitalisme, qu’impose l’actuelle crise des institutions  et des idées ? A mon sens, rêver de jouer un quelconque rôle héroïque dans un nouveau 1917 ou 1944, cette fois victorieux, n’est pas une réponse, et il convient de ranger ces dates dans l’histoire et de cesser de les utiliser comme lignes d’action.

Cette discussion est associée à un débat plus large et international, portant sur la question de savoir si le fascisme et le communisme sont en fait similaires, tels deux pendants d’une même médaille. Beaucoup en Grèce jugent cette idée difficile à accepter. Quelle est votre opinion ?

La théorie du totalitarisme s’est développé en Occident pendant la guerre froide et se basait sur le nazisme et le stalinisme. A mon sens, c’était et c’est une construction idéologique qui masque plus de choses qu’elle n’en révèle. Le IIIe Reich et l’URSS avaient certaines similarités, mais de nombreuses différences, plus profondes à mon avis que les similitudes. Pour en venir à la situation actuelle en Grèce, on ne peut aborder cette question particulière sans être conscient que l’accent récemment placé par le gouvernement sur l’ordre et la loi cherche de manière emphatique à souligner ce type de point commun. Il s’agit bien sûr ici d’une stratégie électorale : Nea Demokratia a manifestement besoin d’affermir son image à l’heure où elle applique l’austérité, et elle a besoin de quelque chose de spécifique qui lui permette de gagner du terrain aux dépens des autres partis de droite, et de défavoriser l’opposition de gauche. On néglige deux choses en recourant à une telle stratégie : le problème réelle de la violence policière, notamment dans les grands centres urbains, et le fait que beaucoup dans la gauche dite « anarchiste » ne font qu’occuper des bâtiments vacants – ce qui est peut-être un crime contre la propriété mais pas, selon moi, un acte de violence – ou s’engagent dans des mouvements de protestation légitimes. Je dis tout cela en insistant parallèlement sur la propre responsabilité de la gauche, qui a toléré un certain discours qui légitime l’illégalité.

Les extrêmes sont étroitement associés à l’usage de la violence. En Grèce, il y a eu un vif débat sur la question : d’un côté ceux qui prétendent que la violence est le même mal, quelque soit son origine, droite ou gauche, et, de l’autre, ceux qui pensent qu’il y a dans certains cas des formes de violence « justifiées », par exemple les meurtres de l’organisation terroriste 17 Novembre, qui seraient différentes du meurtre d’immigrés par les néonazis. Dans quelle mesure est-ce valable?

Ma réponse est double. Premièrement, un meurtre reste un meurtre. Deuxièmement, j’estime le combat pour la justice social, et je juge le racisme déplorable, sous toutes ses formes. Aujourd’hui, le défi est de lutter pour la justice social et contre le racisme.

Article paru le 8 février sur le site ekathimerini, traduit de l’anglais par AR

Lien vers l’article original : Mazower on the rise of Greece’s political extremes, par Elias Maglinis

Written by AR

16 février 2013 at 20:59

Des néonazis allemands au Parlement grec, par The Press Project

leave a comment »

Des néonazis allemands ont participé le 2 février, à Athènes, au rassemblement organisé par Chryssi Avgi pour commémorer « l’incident d’Imia », une dispute territoriale gréco-turque en Egée.  En marge de ce rassemblement, certains d’entre eux ont également visité le Parlement grec. The Press Project détaille le profil de ces « invités ».

indexL’organisation Freies Netz Süd, dont des cadres ont visité le Parlement grec et s’y sont fait photographier avec des membres de Chryssi Avgi, est qualifiée de « néonazie » par des documents du Ministère de l’Intérieur du Land de Bavière.

Sur les photographie (voir lien vers l’article original), d’après les légendes rédigées par le site de l’organisation susmentionnée, on trouve à gauche Sebastian Schmaus, à droite Matthias Fischer.

Tous deux sont également conseillers municipaux du parti radical d’extrême-droite Bürgerinitiative Ausländerstopp (Initiative citoyenne Stop aux étrangers). Le conseil municipal de Munich a récemment voté en faveur de l’interdiction de ce parti local.

Sebastian Schmaus a été condamné (en février 2009) à six mois de prison avec sursis pour conduite en état d’ivresse alors qu’il collait des affiches pour le par néonazi NPD. En 2010, il a été condamné pour violation des droits d’auteur, alors qu’il avait diffusé sur Internet des photos de manifestants de gauche, les présentant comme des personnes recherchées par la police.

En 2010, il a également été accusé d’avoir violemment agressé un cycliste. Il a été innocenté par manque de preuves, mais a été condamné pour la destruction de l’appareil photo du cycliste.

Matthias Fischer a fait 20 mois de prison après avoir été condamné pour incitation à la haine et a également été condamné pour d’autres délits de nature semblable.

Il est le cofondateur du Fränkischer Aktionsfront, interdit en 2004 pour des raisons similaires. Après sa libération, en 2011, des attaques néonazies ont eu lieu contre les domiciles et les véhicules de membres d’organisations antinazies, d’après une publication du site du journal Die Zeit. Il a quitté le NPD en 2008.

Le NPD est considéré comme un parti « modéré » comparé au FNS (Freies Netz Süd).

Article paru le 8 février 2013  sur le site The Press Project, traduit du grec par AR

Lien vers l’article original : Γερμανοί νεοναζί επισκέφθηκαν το ελληνικό Κοινοβούλιο

Written by AR

16 février 2013 at 19:04

Publié dans Politique, Société

Tagged with , ,

Quelques mots sur Andreas-Dimitris Bourzoukos, par Christos Ioannidis

with one comment

Quatre jeunes âgés de 20 à 24 ans sont arrêtés après le braquage d’une banque à Kozani, vendredi 1er février. Deux d’entre-eux au moins sont suspectés par la police d’être liés l’organisation terroriste « Conspiration des cellules de feu ». Samedi, la police publie des photos retouchées des quatre détenus, visiblement pour masquer les mauvais traitements infligés lors de leur garde à vue. Christos Ioannidis, ancien prof de lycée d’A.D. Bourzoukos, l’un des quatre détenus, dresse le portrait de son élève et d’une Grèce qui aliène ses jeunes.

detenido2Je m’appelle Christos Ioannidis. Je suis professeur dans l’enseignement secondaire depuis 23 ans, responsable du magazine de musique « Schooligans » et du festival lycéen « Schoolwave ». J’ai connu Andreas-Dimitris Bourzokos pendant trois ans (2005-2008). C’était mon élève au lycée musical de Pallini.

Je suis choqué par la nouvelle de son implication dans un vol à main armée. J’ignore ce qui l’a mené jusque-là. Je veux toutefois évoquer les trois années pendant lesquelles je l’ai fréquenté, lorsqu’il était élève mais aussi bénévole pour le magazine.

J’étais heureux d’avoir dans ma classe des jeunes comme Andreas-Dimitris. Il était sensible, intelligent, anxieux. Non, il n’écoutait pas de heavy metal. Il écoutait du rock, Hatzidakis, Mozart. Non, il n’était pas antisocial. Il était même très apprécié par ses camarades.

Bien sûr, il était empli de colère, comme tous les jeunes lucides qui découvrent à l’adolescence la société inhumaine et hypocrite dans laquelle nous vivons. Non, il n’était pas mauvais élève, il était brillant. Il est entré lui aussi à l’université en rédigeant les dissertations formatées que réclame le système. Ses parents étaient deux personnes extrêmement dignes.

Ils venaient régulièrement à l’école s’enquérir de leur fils. A un moment donné, j’ai appris par Andreas-Dimitris que son père avait perdu son emploi. Il me l’a dit avec amertume et colère.

J’ignore combien de sources de colère se sont superposées depuis. Je peux m’imaginer un certain nombre d’entre elles, car je vis moi aussi dans cette Grèce. A partir de là, je ne ressens que honte et regrets. Je regrette pour Andreas-Dimitris, qui croyait – manifestement – à la violence comme réponse à la violence du système.

Mais j’ai honte pour la Grèce, qui conduit des enfants comme Andreas-Dimitris à de telles extrémités. J’ai honte pour les policiers qui l’ont torturé. J’ai honte pour les journalistes, qui l’ont déjà condamné. Et j’ai honte pour tous les citoyens insouciants qui l’affubleront de l’étiquette de « terroriste », et qui glisseront sur son visage déformé par les coups pour passer à l’information suivante.

Cette déformation, c’est aussi la nôtre.

Article paru le 3 février 2013 sur le site de l’hebdomadaire athénien Lifo, traduit du grec par AR.

Lien vers l’article original : Δυο λόγια για τον Αντρέα-Δημήτρη Μπουρζούκο – από έναν καθηγητή

Written by AR

4 février 2013 at 16:44

La loi hors la loi, par Amisnet

leave a comment »

Le 20 décembre 2012, les forces spéciales de la police grecque évacuent la Villa Amalia, un squat historique d’Athènes situé dans le quartier fasciste d’Agios Panteleïmonas. Après l’opération, au cours de laquelle huit personnes sont arrêtées, les forces de police restent stationnées autour du bâtiment. Le 9 janvier, des centaines de personnes réussissent à déjouer la surveillance et à rentrer de nouveau dans la Villa. La police réagit immédiatement et reprend possession du bâtiment, arrêtant 92 personnes. Voilà, brièvement résumés, les faits à l’origine de l’attaque la plus sévère contre les espaces indépendants et autogérés depuis la fin de la dictature.

« Les accusations à l’encontre des personnes arrêtées vont de la fabrication d’engins explosifs à la possession d’armes », explique Ioanna Kurtovik, avocate qui assure la défense des accusés, « mais elles se basent sur les éléments suivants : des bouteilles vides qui restaient du dernier concert, du mazout pour le poêle et des couteaux de cuisine ». L’occupation de la Villa Amalia remonte à plus de 23 ans, et ce n’est pas la première fois qu’elle est attaquée. « Les autres fois, la police avait seulement fait irruption et emporté des personnes », continue Ioanna Kurtovik, « mais celles-ci ont toujours été relaxées et l’existence de cet espace a continué normalement. Cette fois-ci, la police est restée. »

Après celle de la Villa Amalia, la police a opéré deux autres évacuations « lourdes » en ville, et une quarantaine d’occupations risqueraient d’être évacuées dans tout le pays. Parmi celles-ci, la clinique occupée où officie Dimitris : « La criminalisation des squats n’est pas un phénomène nouveau. Depuis septembre, on assiste à une campagne systématique visant à présenter les occupations comme une menace envers la vie civile et la société ». Mais cette campagne diffamatoire produit aussi des effets contradictoires. « Après cette publicité », continue Dimitris, « beaucoup de gens sont venus nous voir, ils veulent connaître et comprendre. Nos assemblées ont doublé de volume. »

Depuis le début de la crise, l’attitude du gouvernement et des forces de police face aux contestataires n’a jamais été tendre. « Les gaz lacrymogènes utilisés en Grèce sont illégaux », souligne Dimitris, « mais la cour a répondu à notre recours en déclarant qu’ils étaient illégaux en situation de guerre, pas en période de paix ». L’attaque portée contre les espaces autogérés est le pendant d’une dispute sur la légalité, précise Ioanna Kurtovik : « Avant le début de la crise, la Grèce avait une législation plutôt tolérante en matière d’expression de la contestation, probablement à cause de la dictature récente. Progressivement, on introduit des mesures que l’on aurait jugées impensables auparavant, comme la possibilité de filmer les manifestations, ou de retenir la circonstance aggravante pour des faits commis le visage masqué lors de rassemblements ».

Les hypothèses portant sur l’intention globale du gouvernement derrière ce durcissement sont diverses. « Beaucoup pensent que le gouvernement veut trouver un dérivatif médiatique pour faire passer plus facilement les dernières mesures adoptées » commente Dimitris, « ou bien qu’il s’agit d’un message adressée à toute la population, pour l’inciter à ne pas se dresser contre les programmes d’austérité ».

Même s’il ne connaît pas une période de forte mobilisation, le pays semble tout sauf pacifié. La grève de huit jours menée par les travailleurs du métro, par exemple, a paralysé Athènes jusqu’à ce que les grévistes soient réquisitionnés. « Les forces spéciales sont entrées dans le métro, le 24 janvier, à 4 heures du matin, avec les mêmes méthodes utilisées pour l’évacuation des squats », explique Dimitris. D’autres catégories de travailleurs des transports se sont mobilisées en signe de solidarité, et d’autres sont en train de s’organiser pour le faire ces prochains jours. »

Dans un pays qui attend encore de se rendre compte des effets du 3e mémorandum – approuvé ces dernières semaines – et des récentes réformes fiscales, l’offensive du gouvernement semble conçue pour créer les conditions permettant de gérer aussi ce passage délicat, en agissant préventivement sur les foyers potentiels de la contestation organisée : mouvements et syndicats. Dans une spirale progressive de radicalisation du bras-de-fer, et en empêchant tout niveau possible de médiation, le gouvernement Samaras joue un jeu dangereux, mais pas différent de celui pratiqué dans d’autres pays par d’autres leaders européens. Comme en Allemagne ou en Italie, l’horizon parlementaire grec évoque la possible agrégation de forces issues de traditions différentes autour de la figure du Premier ministre, dans une grande coalition centriste qui fera passer le pays dans cette nouvelle ère de razzia néolibérale. Ecrasant au passage toute forme de contestation.

Texte-résumé du 9e épisode de l’émission L’Alchimista (Ciro Colonna et Andrea Cocco), réalisée par le portail radio AMISnet (Italie) 

Lien vers le texte original et l’émission L’Alchimista (pour les italophones) :  Grecia, la legge fuori legge

Traduit de l’italien par AR

Written by AR

1 février 2013 at 15:02

Communiqué de l’Initiative des travailleurs des médias

leave a comment »

Les mass-médias ont été dans leur majorité les piliers idéologiques de la politique des mémorandums. Au moyen de reportages mensongers et intentionnellement effrayants, ils présentent la politique du choc comme voie à sens unique et calomnient tous ceux qui résistent à la barbarie sociale. Ils fonctionnent comme les porte-parole du gouvernement et font des reportages sur la base d’une inspiration officieusement goebbelsienne. Ils forgent des stéréotypes sur les immigrés, les fonctionnaires, les travailleurs, les syndicalistes, les activistes et incitent à l’automatisme social.

Ces derniers jours, nous avons vécu l’apogée du terrorisme médiatique, comparable aux jours sombres du YENED(1). Ils ont rempli nos écrans de bouteilles de bière vides(2) et ont pris pour cibles les espaces autogérés de la vie sociale pour légaliser la stratégie de la tension de Dendias, ils ont masqué les mobiles et la nature du meurtre raciste perpétré contre le Pakistanais de 27 ans à Petralona, ils ont diffusé des montages vidéo pour traîner dans la boue des députés de gauche et des mouvements sociaux opposés à la commercialisation des espaces libres, ils ont calomnié la lutte des travailleurs dans les transports publics et ont  imposé les méthodes répressives de la réquisition forcée du personnel. Et ils continuent… Les employeurs de la presse, après avoir appliqué le mémorandum le plus dur à leurs employés, veulent protéger l’institution de la peur généralisée et de la paupérisation qu’ils ont créée en dressant des murs face à la société.

Assez. Nous, travailleurs de la presse, n’avons rien en commun avec les grands groupes et les grands journalistes amplement rémunérés et instrumentalisés. Nous ne faisons pas partie de leur coterie et de leurs affaires. Nous avons choisi notre camp. Aux côtés des habitants de Chalcidique et contre les orpailleurs, aux côté des immigrés et contre les esclavagistes, contre les clôtures(3), contre les patrons du travail au noir, contre l’Aube dorée, aux côtés des manifestants et contre la répression, aux côtés des travailleurs des transports en commun, et contre la troïka intérieure et extérieure, aux côtés des fonctionnaires et contre la liquidation du patrimoine public. Nous sommes aux côtés de la société et nous luttons, ensemble, contre le mémorandum, le racisme et la censure.

1- L’une des deux chaînes TV d’Etat autorisés pendant la junte

2- Ces bouteilles, trouvées après l’évacuation d’un squat, serviraient selon l’instruction à prouver « la fabrication d’engins explosifs ».

3 – Clôture métallique élevée sur un tronçon de la frontière gréco-turque.

Lien vers le communiqué original, publié le 27 janvier 2013 : Πρωτοβουλία Εργαζομένων στα ΜΜΕ

Texte traduit par AR

Instantanés d’une tragédie humaine qui se poursuit, par Efi Latsoudi

with 2 comments

Les corps de 21 migrants sont retrouvés sur une plage de l’île égéenne de Lesbos, le 15 décembre 2012, après le naufrage de leur embarcation. Un jeune Afghan de 16 ans, l’un des deux seuls survivants, indiquera que le bateau, parti des côtes de Turquie, comptait une trentaine de personnes à son bord, des Afghans pour la plupart, lorsqu’il a chaviré à cause du mauvais temps. Efi Latsoudi, résidente de Mytilène et bénévole de l’organisation de bienfaisance « To Chorio tou Oloi Mazi », qui a aidé les proches des victimes dans leurs démarches, revient sur les instants de ce drame, les obstacles rencontrés, et l’indifférence des autorités.

Un samedi matin de décembre, la plage de Thermi, a Mytilène se remplit de cadavres. « On est bouleversés, la même histoire depuis tant d’années ; autant de morts, c’est affreux – ce sont des êtres humains », nous dit un vieil homme rencontré dans le petit port. Les recherches des garde-côtes, après le naufrage de vendredi, n’ont commencé que le samedi, avec l’arrivée des premiers corps sur la côte. Il n’y a pas eu la moindre mobilisation le vendredi après-midi, ni de la part des autorités, ni de la part des médias. Un survivant avait pourtant été découvert dans un état critique, mais personne ne s’est inquiété de la présence de possibles naufragés dans les eaux glaciales.

Le jeune rescapé du naufrage a été retrouvé par la Frontex(1), à l’article de la mort, après être resté plusieurs heures dans la mer gelée. Il est resté sous surveillance à l’hôpital, il a identifié des corps et fait l’objet d’un interrogatoire. Huit jours plus tard, un citoyen charitable lui a acheté une carte téléphonique de cinq euros, pour qu’il puisse prévenir sa mère en Iran qu’il était encore en vie. Une sollicitude élémentaire pour la victime d’un naufrage, pour un individu dont les parents et les proches attendent, transis d’angoisse, d’avoir des nouvelles. Aucun rouage du mécanisme étatique qui a été appelé à intervenir ne s’en est soucié.

D’après les témoignages, il y avait dans l’embarcation huit à dix autres personnes qui n’ont pas été retrouvées. Parmi elles, des femmes et des enfants. Les jours ont passé, les corps n’ont pas été repêchés. Les retrouvera-t-on jamais ? Les requêtes de parents désespérés arrivent à Mytilène, des sollicitations que les services compétents et la bureaucratie ne peuvent satisfaire. Les proches qui habitent loin, en Afghanistan, réfugiés en Iran ou dans des pays voisins, devront attendre des mois, voire des années de souffrance et d’angoisse avant d’obtenir de vagues informations quant au sort des leurs. Si les recherches sont parfois freinées par des motifs économiques, la peine éprouvée après la perte d’un être cher est toujours sans limites.

On peut imaginer l’ampleur de la mobilisation si ces cadavres avaient été ceux de passagers d’un bateau de croisière, d’un ferry ou d’un navire commercial. On pourrait envisager, simplement, qu’une partie des fonds gigantesques alloués par l’Europe à la surveillance de ses frontières extérieures puisse être affectée à cette situation tragique, de manière à pouvoir honorer notre devoir au moins envers les défunts. Certains proches, résidant dans des pays européens, ont surmonté d’innombrable obstacles pour arriver à venir sur place, reconnaître leur mort, et engager un processus extrêmement coûteux pour le rapatrier et l’enterrer en Afghanistan. Pour les proches, des obsèques en accord avec l’Islam sont primordiales, et dans ce but aucun sacrifice n’est assez important. Tant qu’ils séjournaient dans la ville de Mytilène, des passeurs et quelques bureaux de pompes funèbres gravitaient autour d’eux, telle une volée de corbeaux, avec l’intention de prodiguer leurs services pour réaliser le profit maximum. En l’absence de sollicitude élémentaire de la part des autorités, il y aura toujours des individus prêts à « les aider » au prix fort.

Le fils d’un disparu, dans le deuil, tente d’arriver à Mytilène. Il a un permis de séjour, il est résident permanent en Allemagne. Au Pirée, les garde-côtes ne reconnaissent pas ses papiers, le retiennent, l’interrogent, et il rate son bateau. Il arrive en avion le jour suivant, désespéré, à Mytilène. Il cherche le corps de son père, en vain. Lorsqu’il a dû s’en aller, brisé, il a fallu que des citoyens l’accompagnent à l’aéroport pour qu’il puisse finalement partir. La police n’a tenu compte ni des documents légaux en sa possession, ni des circonstances tragiques de son déplacement, seulement de la nationalité afghane qu’il portait tel un stigmate, et qui le définissait

Huit corps sont reconnus et rapatriés. Les procédures bureaucratiques complexes, mais aussi les demandes d’identification qui ne cessent d’arriver, empêchent l’inhumation des autres victimes. Deux autres corps seront finalement identifiés, suite aux démarches dramatiques de leurs proches pour les récupérer. Presque 20 jours ont passé depuis le naufrage. Quelques journalistes repèrent une infamie ; ce qui les préoccupe n’est pas le désintérêt de l’Etat, mais les morts sans sépulture dont « l’odeur menace la ville »(2). Les membres des familles continuent, au prix de mille difficultés, à arriver à Mytilène pour affronter la tâche terrible de reconnaître leur proche. Père et mère reconnaissent leur enfant via des photographies et demandent à ce qu’il soit enterré sur place, car ils n’ont pas d’argent pour l’inhumer dans leur pays.

Les réfugiés les révulsent, les réfugiés les menacent. Sous la pression des publications, les obsèques ont finalement lieu, sur ordre du procureur. Nous insistons pour qu’elles se déroulent de jour, et non de nuit, comme l’aurait imposé le respect à la lettre de la consigne. Douze personnes ont été enterrées dans le cimetière de la ville de Mytilène. Ces inhumations ont été dictées par l’intérêt public, pour éviter un risque sanitaire pour la ville, pas par obligation humaine vis-à-vis de personnes venues mourir chez nous. Des badauds sont présents, observant l’horreur d’une inhumation collective ; les autorités sont finalement là, à la dernière minute. Le maire a aussi pris la parole, ému, rappelant que « ce sont des êtres humains ».

Les compatriotes des défunts, des Afghans habitant la ville de Mytilène, s’occupent des tombes. Ils égalisent les fossés précédemment creusés par un bulldozer, nivellent la terre avec les mains, et, avec douleur et respect, font la prière qui sied à leurs compatriotes défunts. Des plaques de marbres, sur lesquelles ont été tracés des numéros et des dates, sont posées sur la terre, avec les fleurs que nous avons apportées, embarrassés, ignorant leurs coutumes funéraires. « Chez nous, on ne met pas de fleurs », m’ont-ils dit, les acceptant néanmoins avec gratitude. En sortant du fleuriste du cimetière, la gérante accourt pour nous remettre un bouquet d’œillets blancs. « Mettez celui-là aussi, s’il vous plaît, on n’en peut plus de voir ces gens mourir comme-ça, c’est insupportable ! » Je n’ai pas pu lui répondre, ni regarder son visage peiné. »

Nos morts sont des êtres humains. Les migrants qui passent la frontière, traqués, sont des êtres humains, et il n’existe pas de catégorie où les classer, ils ne sont pas plus ou moins humains que d’autres. Les autorités leur réservent un traitement raciste, dans la vie comme dans la mort. Les médias leur ont collés l’étiquette inacceptable de l’immigration clandestine, et les relèguent dans une catégorie d’êtres inférieurs, celle de ceux qui peuvent mourir massivement à nos frontières, privés de sépultures et de deuil. S’ils survivent, ils seront placés en détention, dans des conditions lamentables, et traînés durablement en justice.

Si cette logique raciste de l’Etat vis-à-vis des migrants ne change pas radicalement dans notre société, le fascisme continuera à s’enraciner plus profondément encore, et sa pestilence s’étendra aux Grecs comme aux immigrés, car il ne fait pas de distinction.

PS : La découverte de trois nouveaux corps sur une plage du sud de l’île de Chios, il y a quelques jours [le samedi 13 janvier], augmente le nombre de ces morts tragiques et montre clairement que le drame se poursuit, chaque jour.

1 – Frontex : agence européenne participant à la surveillance des frontières extérieures de l’UE.

2 – Des médias ont rapporté qu’à l’hôpital, des gens se sont plaints de l’odeur venant de la morgue.

Article paru le 18 janvier 2013 sur le site Aplotaria.gr, traduit du grec par AR.

Lien vers l’article original et le diaporama de Stelios Kraounakis : Στιγμιότυπα μιας ανθρώπινης τραγωδίας που συνεχίζεται

Written by AR

27 janvier 2013 at 13:03

Le FMI promet un sombre avenir aux Grecs, par Giorgos Delastik

with 2 comments

Si le rapport du FMI sur la Grèce publié vendredi 18 janvier prend acte des ravages de l’austérité sur la population et l’économie du pays, il appelle pourtant à poursuivre coûte que coûte le programme de coupes sociales et de privatisations, analyse Giorgos Delastik.

Sur le plan économique, les gouvernements Papadreou, Papadimou et Samaras ont taillé en pièces les travailleurs et les retraités, et ont « désossé » avec une sauvagerie fiscale inédite le peuple grec. C’est ce que reconnaît le FMI lui-même (!) dans son rapport sur l’économie grecque qui a été rendu public.

La comparaison effectuée par le FMI avec les autres pays de la zone euro sous tutelle de la Troïka est extrêmement révélatrice. Sur le programme global de coupes en Grèce, 80 pour cent proviennent des réductions faites dans les salaires et dans les retraites, et de la restriction ou de la suppression des dépenses sociales.  Dans les autres pays « troïkanisés », en revanche, le montant correspondant représente 60 pour cent de l’ensemble des coupes. En dépouillant les Grecs ces dernières années sur le plan fiscal, les impôts directs et les « rançonnements » successifs en sont venus à représenter 54 pour cent des recettes de l’Etat, tandis qu’ils constituent 46 pour cent chez les pays européens touchés par les mêmes maux.

Le tragicomique dans tout cela, c’est qu’une fois ces remarques formulées de façon critique, le FMI propose ensuite que la même politique soit poursuivie et que ces « rançonnements d’urgence » soient établis durablement, comme la mal nommée « contribution de solidarité », qui devait théoriquement cesser d’être perçue à partir de 2015, les taxes immobilières, etc. Cela ne suffit pas au FMI, il réclame également 25.000 « licenciements ciblés » dans la fonction publique rien que pour 2013. Désavouant indirectement le gouvernement, qui avait affirmé qu’il n’y aurait pas de coupes dans les salaires, les retraites et les allocations, le FMI demande que de nouvelles mesures soient définies pour engranger des recettes supplémentaires de quatre milliards d’euros pour la période 2015-2016.

Le FMI estime que notre pays ne liquide pas le patrimoine public aux rythmes souhaités et imposés par les créanciers étrangers. Ainsi, si le rythme des privatisations est toujours jugé insatisfaisant d’ici le mois de juin, il souligne la nécessité de limoger et d’éloigner les Grecs de la direction de l’organisme en charge de la vente des biens publics (TAIPED), et de les remplacer par des « experts étrangers » ! C’est-à-dire que des étrangers assument la responsabilité de vendre directement à d’autres étrangers des milliers de biens immobiliers appartenant à l’Etat grec ! De toute urgence ! Si l’UE et le FMI se montrent inflexibles sur la question des coupes dans les salaires et les retraites de millions de Grecs, ils se montrent en revanche étonnamment passifs devant les pertes de recettes liées soit aux fraudeurs fiscaux, soit aux privatisations. Au départ, ils disaient que la Grèce percevrait 50 milliards des privatisations jusqu’en 2015. Une estimation revue par la suite à 45 milliards, et ce jusqu’en 2020 plutôt que 2015. Aujourd’hui, le FMI estime que ce montant devrait chuter à  23,5 milliards, soit la moitié de l’objectif corrigé jusqu’en 2016.

Dans le même temps, l’objectif de recouvrement de 3,2 milliards d’euros en 2012 a totalement échoué – 100 millions seulement ont été perçus (trois pour cent de l’objectif !), comme le relève le rapport de la commission établie par le Parlement allemand, d’après le journal Westdeutsche Allgemeine Zeitung (WAZ) ». Dans tout ce capharnaüm, un formidable pillage du patrimoine public grec doit avoir lieu. Et cela, le FMI et l’UE le réclament et le promeuvent ardemment, ils n’essayent pas de l’éviter. Au contraire, leur mission, c’est que la Grèce ne se voit pas dotée d’un gouvernement anti-troïka. « Les élections ont généré un séisme politique, avec l’arrivée en deuxième position du parti de la gauche radicale, après une campagne électorale fortement opposée aux politiques du programme (de la troïka). Des partis extrémistes sont également devenus populaires.

C’est toutefois un gouvernement pro-mémorandum qui a été élu » relève le FMI dans son rapport. Loin d’être rassuré il prévient que « les sondages montrent un soutien accru au Syriza et aux autres partis anti-mémorandum. En plus d’engendrer des retards, cela provoquerait une crise politique, qui engendrerait une faillite et/ou la sortie du pays de l’euro. » Le FMI tente donc de présenter favorablement la coalition Samaras-Venizélos-Kouvélis, en jugeant qu’un gouvernement dominé par le Syriza reviendrait en gros à une sortie de la Grèce de la zone euro, avec le postulat d’une faillite du pays. Les nouvelles coupes dans les salaires et dans les retraites, par contre, ne semblent pas le déranger.

Article paru le 21 janvier dans le quotidien To Ethnos, traduit du grec par AR

Lien vers l’article original : Μαύρο το μέλλον των Ελλήνων προβλέπει το ΔΝΤ

Written by AR

24 janvier 2013 at 18:33